Comment gérer une pensée inutile, obsessionnelle, qui nous dérange, ou nous fait souffrir ?

La méditation analytique est la méditation la plus indispensable pour atteindre l’Etat de Bouddha.

Un Bouddha n’est pas un Dieu, c’est un simple humain qui a appris à se connaître entièrement, à rendre ses pensées inconscientes conscientes, et à comprendre le monde qui l’entoure, sans que sa vision soit biaisée par des idées fausses, des préjugés, etc.. . On dit qu’il s’est débarrassé des « voiles de l’ignorance », des « vues fausses » et des « conditionnements ».

Si une pensée nous dérange ou nous fait souffrir, c’est soit parce que cette pensée est une « vue fausse » (quelque chose qui ne correspond pas avec la réalité), soit parce que certaines autres vues fausses associés à cette pensée nous empêchent d’intégrer totalement le « réel » ; ce sont donc les conditionnements qui nous posent problème.

Dans le cas d’une pensée que l’on peut considérer comme « inutile », il s’agit en général d’une vue fausse sur ce que sont les pensées : une pensée n’est rien d’autre qu’une pensée, et elle n’a que la force qu’on veut bien lui donner.
Quand on voit un nuage dans le ciel, il est là, il passe, et il ne nous dérange pas. C’est ensuite nous qui choisissons si nous continuons à l’observer ou non. Si nous l’observons, le problème n’est pas le nuage en lui-même, c’est normal qu’il y ait des nuages dans le ciel, le souci vient de notre façon de l’appréhender.

Il en est de même pour les pensées : notre esprit est fondamentalement vierge, et des pensées s’y présentent, c’est normal. Ensuite, c’est l’attention qu’on porte, ou non, à nos pensées, qui change tout.

Pour réussir à sortir des conditionnements mentaux, il faut user et abuser de la méditation analytique : ce qu’on pense provient de nombreuses années de conditionnements, d’expériences, de choses que l’on a entendues, vues, etc… Il n’est pas possible, du jour au lendemain, d’obtenir un mental qui serait « libre » de penser ce qu’il veut, sans être soumis à ce qu’il a vécu depuis des années.

Avant que Bouddha devienne un Bouddha, il a du longuement méditer, et principalement faire des méditations analytiques, pour « déconditionner » son mental.

Alors, comment fait-on pour mener une méditation analytique, sur n’importe quel sujet ?

1) Identifier la pensée :

Tout d’abord, il faut commencer par identifier la pensée en question. Si par exemple la pensée est « j’ai peur des chiens », il faut tout d’abord commencer par s’en rendre compte. Si cette pensée reste inconsciente, il est impossible de travailler dessus, c’est pour cela que la pleine conscience est primordiale dans le bouddhisme, ainsi que l’attention que l’on porte à nos pensées : une fois qu’on a rendu consciente une pensée, on peut ensuite travailler dessus.
Alors, oui, l’inconscient a un rôle de « protection » contre les pensées qui nous dérangent, mais garder tout cela inconscient ne résoudra jamais les choses. Si nous ne nous rendons même pas compte qu’on a peur des chiens, jamais on ne pourra traiter cette phobie, et il en va de même pour toutes les pensées.

2) Accepter la pensée comme faisant partie de soi :

Quand on a pris conscience d’une pensée, qu’elle qu’elle soit, le travail ne s’arrête pas là, il ne s’agit pas ensuite de la nier, ou de se dire maintenant que j’en ai conscience, c’est bon ». Ca ne fonctionne pas comme cela.
Si vous prenez conscience de votre peur des chiens, vous aurez toujours peur des chiens… Il faut ensuite travailler sur cette pensée.

Pour la travailler, il ne faut pas culpabiliser d’avoir cette pensée, quelle qu’elle soit : même si c’est une pensée « malsaine », il n’y a rien à gagner à faire comme si elle n’existait pas : au mieux, vous garderez cette pensée et culpabiliserez inconsciemment (alors que la culpabilité n’arrange jamais rien), au pire, vous oublierez cette pensée, ce qu’on appelle le déni, et donc vous ne progresserez pas, vous aurez juste régressé.

Donc, peu importe la pensée en question, on en prend conscience, puis on l’accepte simplement, avec compassion « oui, j’ai cette pensée, mais je n’ai pas à culpabiliser car je l’ai pour une raison, et je vais la travailler pour m’améliorer ».
Donc, pour la peur des chiens : « oui, j’ai peur des chiens, mais j’ai des raisons d’en avoir peur (conditionnements dus à des expériences vécues, etc) et je vais travailler sur cette pensée pour me débarrasser de cette peur).

3) Déterminer la raison d’être de cette pensée :

Aucune pensée n’est là par hasard : toute pensée n’est que la suite des pensées précédentes, il y a une continuité dans la pensée. Ces pensées sont conditionnées par le karma, pas les expériences, mais aussi par notre environnement social, familial, etc… Si vous êtes né en Occident, vous ne croyez probablement pas aux vies antérieures, alors que si vous êtes né au Tibet, vous y croyez certainement. C’est le conditionnement social. Les autres conditionnements fonctionnent de la même façon : à force qu’on nous répète quelque chose, on admet ce qu’on nous dit comme étant la réalité.
Donc, une fois qu’on a identifié une pensée, qu’on l’a acceptée comme faisant partie de soi, on doit trouver pourquoi cette pensée est dans notre esprit.
Pour la peur des chiens, comme pour toutes les phobies, en général cela provient d’un événement qui nous a traumatisé ou choqué. Au lieu donc de rester avec cette phobie, et nous dire qu’elle est normale, si l’on suit le mode d’emploi analytique, on se dire: « j’ai peur des chiens, je ne dois pas culpabiliser car cette pensée a une raison d’être : quand j’étais petit(e), je me suis fait mordre par un chien ».

4) Déterminer l’utilité ou non de la pensée.

Toute pensée peut être soit utile, soit inutile, soit nocive. Quand on observe ses pensées, son esprit, ce que l’on devrait toujours faire pour évoluer, comme l’a fait Bouddha, il est nécessaire de savoir si cette pensée nous sert ou non.
De même que fixer un nuage ne sert à rien, certaines pensées sont là, mais il nous appartient de nous focaliser sur elles, ou non.
Nous devons donc commencer par déterminer à quelle type de pensée chaque pensée appartient :

– Dans le cas d’une pensée utile : même si elle nous dérange, il faut l’accepter, et bien nous rendre compte qu’elle nous est bénéfique. Mais si cette pensée nous dérange alors qu’elle est utile, c’est que la vue fausse n’est pas la pensée en elle-même, mais une autre pensée qui y est associée.
Par exemple, si je me dis « un chien peut mordre », c’est une réalité, un chien peut nous mordre, car il a des dents. Ce n’est pas cette pensée en elle-même qui nous dérange, mais le fait qu’on y ait associé autre chose : «  un chien peut mordre => tous les chiens vont me mordre ».

Ici, c’est la deuxième pensée qui est une vue fausse, qui provoque la phobie, et qui fait que la première pensée « un chien peut mordre » nous dérange. Il faut donc bien identifier la pensée qui pose problème pour la traiter. Par contre, savoir qu’un chien peut mordre est utile, car cela nous permet de ne pas être imprudent, en laissant par exemple un enfant en bas âge à côté d’un gros chien, par sécurité, ne sachant pas ce que l’enfant peut avoir l’idée de faire au chien : il peut lui faire mal sans s’en rendre compte ou sans le vouloir, et le chien peut mordre l’enfant pour se défendre, même si c’est un chien gentil.

– Dans le cas d’une pensée inutile : c’est simple, il suffit de ne plus y porter attention. Toutes les pensées ont une raison d’être… Elles sont là pour quelque chose, parce que c’est la suite de ce que votre esprit s’est dit avant, ou a entendu. Par exemple, les statistiques des morsures de chiens, vous avez pu les entendre à la TV, mais ça n’a pas réellement d’utilité pour appréhender le réel, et aller caresser un chien. Vous n’avez donc pas besoin de vous le répéter plusieurs fois par jour, ou à chaque fois que vous caressez un chien. Quand une pensée inutile se présente, il suffit d’en prendre conscience, et de nous dire « cette pensée n’a aucune utilité », puis de se concentrer sur autre chose.

– Dans le cas d’une pensée nocive, c’est le même principe, sauf que l’on prend conscience de la pensée, et ensuite, on se dit mentalement qu’elle est nocive, et qu’il vaut mieux ne pas la laisser s’installer dans notre esprit.

 5) Identifier les causes profondes de la pensée :

Quand vous avez identifié la pensée, que vous l’avez pleinement acceptée, que vous avez compris pourquoi elle était dans votre esprit, déterminé si elle est utile, inutile ou nocive, il convient ensuite d’identifier les causes profondes de cette pensée.
Dans le cas d’une phobie, c’est souvent assez simple : un traumatisme, un événement qui s’est produit, et qui a induit votre peur.

C’est précisément à cet endroit que la méditation analytique est la plus importante. Il y a énormément d’idées associées à une même pensée, surtout quand c’est une pensée qui nous suit depuis longtemps.
Dans le cas où on se trouve idiot, souvent, ce n’est pas vraiment notre pensée, mais c’est que qu’on a toujours entendu de nos proches, et/ou ce sont nos notes qui nous ont amenées à nous dire cela, ou des expériences, etc…
Dans la méditation analytique, et plus particulièrement dans cette partie qui consiste à identifier les causes profondes, il convient vraiment de creuser au maximum les causes et la provenance de cette pensée : vous visualisez tout ce que vous avez vécu par rapport à cette pensée, vous vous remémorez tout ce que vous avez entendu, pourquoi on vous a dit cela, puis vous analyser si ce qu’on vous a dit était objectif ou non : on confronte ce qu’on nous a dit avec nos expériences réelles.
Si vous vous pensez idiot, mais que vous avez toujours eu de bonnes notes, vous vous rendez alors compte que cette pensée n’a pas lieu d’être, et c’est un immense soulagement. C’est l’étape la plus importante pour déconditionner une pensée qui nous pose problème, même si ce n’est pas une partie de plaisir : sur le moment, on peut se sentir vulnérable, mais ensuite, c’est un grand soulagement.

6) Traiter les causes

Après avoir médité de manière analytique sur une pensée, il convient ensuite de traiter les causes :

On vous a dit toute votre vie que vous étiez un idiot, mais ce n’était pas le cas, et, malgré ça, vous y avez quand même cru. Pourquoi ?
En général, cela vient d’une autre expérience qui a créé des vues fausses, d’autres conditionnements encore plus profonds , par exemple un manque de confiance en soi, etc.
Donc, quand on commence une méditation analytique, il faut bien comprendre qu’on ne va pas se déconditionner sur un sujet, et encore moins sur tous nos conditionnements, en une séance.
C’est un long, très long travail, qui ne s’arrête jamais, et qu’il est indispensable de faire, si l’on souhaite s’éveiller, et sortir de nos conditionnements, pour aller vers la paix de l’esprit.
On ne peut être bien avec soi-même si on n’a pas compris comment et pourquoi on en est venu à être la personne que nous sommes.

7) Gérer la pensée : quoi mettre à la place ?

Une fois qu’on a fait tout cela, et commencé à déconditionner une pensée, il est utile de savoir quoi mettre à la place.
Dans le cas de la peur des chiens, à la place de se dire « un chien peut mordre donc tous les chiens vont me mordre » on va se dire « un chien peut mordre, mais tous les chiens ne vont pas forcément me mordre », et il sera déjà beaucoup plus facile d’appréhender la phobie, et d’aller vers un chien.

Il est indispensable de bien travailler toutes ces parties quand on médite de façon analytique.

Si vous vous mettez à culpabiliser de votre pensée, ou à la dénier, vous ne progresserez pas. Dans le cas où vous culpabilisez, rappelez vous toujours qu’une pensée a une raison d’être, et que tout est interdépendant, donc vous n’êtes pas entièrement responsable de cette pensée, même si c’est dans votre esprit qu’elle se présente. Par contre, vous êtes responsable de ce que vous ferez de cette pensée, et vous pouvez la déconditionner, quelle que soit cette pensée.

Si vous ne remettez rien en question, il est impossible de progresser, car vous resterez prisonnier de vos conditionnements.

Mais dans le cas des pensées « obsessionnelles », ça peut être une pensée utile, inutile ou même nocive.
Mais se répéter cela toute la journée n’a strictement aucune utilité, sauf nous épuiser, c’est ce qu’on appelle « ressasser ». Si c’est votre cas, il suffit « simplement » d’observer vos pensées, et de vous dire, quand elle se présente pour la énième fois « je me le suis déjà dit, ce n’est pas utile de me le redire ».
Au début, sortir des pensées obsessionnelles est difficile, mais si l’on prend bien le temps d’observer notre esprit, et d’appliquer à chaque fois la « recette », on y arrivera.

Pour toutes les pensées, utiles, obsessionnelles, inutiles, ou nocives, il convient de les travailler, et pas simplement une fois : dès que vous avez travaillé de manière analytique sur une pensée, quelle qu’elle soit, écrivez quelque part les résultats de votre méditation, étape par étape. Vous pourrez ainsi relire la conclusion de temps en temps, ce qui vous permettra de sortir petit à petit de vos conditionnements, et donc de vous déconditionner.
Aussi, à chaque fois qu’une pensée déjà examinée se présente, remplacez la toujours par la pensée que vous avez décidé de mettre à la place. Mais pour cela, il faut réellement examiner son esprit, et vouloir progresser. Donc, être sincère avec soi-même est indispensable.

Philippe🕊️